Voici la brève histoire de l’expérience fabuleuse que j’ai vécue lors de ma première retraite de méditation Vipassana au centre Indriya, à Koh Phangan, en Thaïlande.

Jour 1

Arrivée à 9h30, il y a beaucoup de monde. On procède donc, à notre enregistrement.
Le coût du don imposé est de 3500 Baht (130$ CAD).

On nous sert un très bon lunch. Salade savoureuse remplie de légumes : Carottes, céleris, laitue, concombres, épinards, riz brun, tofu. Ce sera finalement la même salade, qui nous sera servie, tous les jours, à 11h00. Toutefois, on nous demande de prendre, que le nécessaire car, le reste de nos affaires et nos trucs de valeur seront sous clef, pour la durée du séjour.

Après le lunch, nous avons jusqu’à 14h30, pour choisir et nous installer dans une tente. La mienne me convient car, au fond de la salle, je me sens déjà dans mon petit cocon, c’est parfait.
Je m’endors.


Je me réveille au son du gong. J’écoute les premières instructions.
Les séances de méditation seront de 45 minutes en position assise, suivie d’une séance de méditation où l’on marchera en pleine conscience pendant la même durée, puis on retournera en méditation assise, pour un autre, 45 minutes. En soi, c’est 7 séances de méditation assise, 4 séances de marche en pleine conscience, 1 séance de yoga matinale à 5h00 du matin et 3h d’enseignement bouddhiste par jour. Pour un total quotidien de 11h00 de méditation.

On se lance. La méditation assise se passe assez bien, j’ai de l’expérience.
Pour la marche, je rigole un peu, on a l’air un peu d’être des zombies.
Je repasse mes derniers jours un peu chaotiques, j’essaie de revenir au moment présent.
Méditation assise, je somnole.
Marche en pleine conscience, je reste à l’intérieur du hall.
À 17h00, on nous sert des fruits.
On continue. À 22h00, les lumières s’éteignent, je dors comme un bébé et pas assez longtemps à mon goût.

Jours 2. Gong

4h du matin. Aïe.
Méditation assise, je suis fatiguée.
Yoga ! Enfin, je suis heureuse, on va bouger un peu! La séance est très relaxante, mais ça va.
Ce sera exactement la même tous les matins.
Je suis fatiguée, je retourne à ma tente et je m’endors.
Oups! je manque la prochaine méditation et les instructions du matin.
Surtout le déjeuner! Je m’en veux! Puis, je médite, assise, je regarde tout le monde s’endormir, je les rejoins pour la marche de zombie.

Enseignement bouddhique

On m’apprend que la vie n’est que souffrance et que chacun de nos gestes ne sert qu’à apaiser cette souffrance. Se gratter, se laver, aller aux toilettes, manger.
Je suis en colère, en réflexion, je ris, plusieurs émotions y passent.
La méditation sert à observer les émotions qui viennent et les laisser partir.

Au diner, tout le monde se lance sur un liquide un peu brun qui sent bon. Je ne sais pas ce que c’est. Je me rends compte que c’est un genre de chocolat chaud dilué.
Cacao! Je n’ai jamais rien bu d’aussi bon.
Je mange mes 3 morceaux de clémentines.
C’est vrai que tout a meilleur goût.

Je vois des gens qui prennent des notes pendant les instructions. J’ose aller voir les deux gars qui travaillent ici. Et je demande à Sergei un crayon et un papier, seulement pour prendre des notes.
Il me dit oui.
L’autre me dit non.
Ils argumentent et me demandent à quel point est-ce vraiment vital. Je dis que je n’ai pas de mémoire et que pour bien comprendre les instructions, j‘aimerais de prendre des notes. Ils me disent que tous les documents sont disponibles sur Internet en sortant d’ici. Finalement, Sergei tranche, il plaide en ma faveur. Je reçois un beau cahier de notes et un crayon.
Le crayon n’a plus d’encre. Super!
Je laisse tomber le projet.

Anthony, notre moine Guru nous fait la morale.

« Ne croyez pas que parce que vous faites du yoga, ou parce que vous écoutez de la musique spirituelle et que vous mangez végane, que vous êtes mieux que ceux qui vont danser toute la nuit. Ne les jugez pas ! Vous avez simplement trouvé une façon différente d’engourdir vos souffrances. »

Anthony Markwell

Il a surement raison.
Cette nuit-là, je dors mal un peu moins bien.

Jours 3. Gong

il est 4h du matin.
Je pense à mon départ, il va bien falloir que je trouve un endroit où aller.
Je reviens au moment présent.
Le moine dit que je résiste à la marche. Monter le pied, lever le pied du sol, bouger le pied par en avant, déposer le pied au sol.
Tous des zombies.
Est-ce que si l’on marche plus vite, on est moins conscient ?

Nous sommes 42 personnes au centre. J’ai compté. Seulement 14 filles, cela m’étonne un peu. Les filles bougent moins pendant la méditation, cependant les garçons sont plus sérieux. Nous sommes séparés, les garçons sont à gauche de la salle, les filles restent à droite.
J’observe, je juge, je reviens au moment présent.
Un des garçons éclate en sanglots. Hier, c’était un autre.

C’est le cours de yoga qui commence, j’ai oublié de mettre des pantalons, je suis en robe. Pas très pratique.
Hier, j’ai dormi pendant le Savasana, aujourd’hui, j’ai dormi dans la posture de l’enfant.
J’ai surpris le grand blond à faire ses exercices de musculation, dehors!
Je pense qu’en 3 jours j’ai perdu 10 % de ma masse musculaire!
C’est déprimant quand le corps ne bouge jamais.
Je suis certaine que 80 % des gens ici sont sous antidépresseur, je reviens au moment présent.

J’ai mes règles et une migraine constante. Nous n’avons pas d’eau chaude dans les douches. Nous n’avons pas de papier de toilette, non plus. J’ai mal au dos, à dormir sur mon tatami et j’ai faim.
J’ai chaud! Je n’en peux plus d’être habillée, de la tête aux pieds, pour cacher le fait, que je suis une femme. La réponse d’Anthony : « Tu vas faire quoi avec les changements climatiques, haha ! » Il a toujours les bons mots, au bon moment, pour nous faire comprendre que nous sommes justes des bébés gâtés. Vous êtes chanceux! Appréciez donc, ce que vous avez au lieu de vous plaindre.

J’ai perdu le décompte des jours

Étrangement, je me souviens très bien de tous mes rêves. Comme si le jour et la nuit ne faisaient plus qu’un. J’aime les méditations assises, toutefois je marche de moins en moins. Enfin oui, mais plus comme un zombie. Je suis dans la matrice, où ils sont tous au ralenti.
Une fille fait comme moi. Un des garçons se couche dans sa tente, au lieu de marcher. Un autre regarde son téléphone dans le stationnement. Une fille mange des noix en cachette. Je remarque que 2-3 cachent les bananes du matin, pour pouvoir les manger le soir. Aussi, personne ne prend jamais vraiment, qu’un seul morceau de pain.
Je reviens au moment présent.

Aujourd’hui, c’est la révolution des leggings. Depuis qu’une a osé, nous sommes maintenant 5 filles à le porter fièrement, sous nos 14 couches de paréo, mais tout de même, ce n’est pas rien !!
Je suis dans un épisode de la servante écarlate.

« Apprends que ton corps n’est pas ton corps et que ton esprit n’est pas ton esprit. Tu es un gros morceau de viande ignorant, contrôlé par l’univers. Tu n’es rien, alors mieux vaut ne rien désirer, car la source de la souffrance, c’est le désir. Le désir d’avoir et le désir d’être. »

Ce soir, tout me fait rire. Je me suis fait une portion spéciale d’eau de vaisselle chocolatée. Extra canelle, extra sucre. Je l’ai mise dans ma gourde et je vais la déguster ce soir, avec ma banane cachée au petit déjeuner!
Je suis fière de moi !

Jour 6

J’ai fait de l’insomnie toute la nuit !
Le chocolat chaud n’est peut-être pas la meilleure idée avant d’aller dormir finalement.
Je comprends mieux les effets des aliments que je consomme, sur mon corps.

Je suis heureuse d’avoir choisi de passer le balai, devant les toilettes, quand je regarde celle qui doit laver les gros chaudrons, ou pire, celui qui doit laver les toilettes, je me dis que ma tâche quotidienne est très agréable.

C’est déjà le départ demain, la fin de ma semaine de silence et d’introspection. Après toutes mes résistances, je n’ai plus envie de partir. Je suis bien dans mon cocon. Je suis bien hors du chaos.
Mon chaos intérieur est désormais très paisible.

Après la dernière méditation, on se retrouve au petit déjeuner.
Le gong de 8h30 nous indique que la loi du silence est levée.
Les gens rigolent et se mettent tous à parler entre eux.
Je me retourne vers la forêt, je n’ai pas envie de croiser les regards, de ceux que je devais éviter toute la semaine.
Je reste en silence.
Anthony invite les gens à se calmer. Certains d’entre nous auront besoin de temps pour revenir dans notre rôle d’humain. Mieux vaut prendre son temps.

Ce que je retiens de ma retraite de silence avec tant de restrictions : Tout a meilleur goût!
Je trouve que toute la nourriture est fabuleuse. J’ai envie de sourire à tout le monde. J’ai envie de leur crier à quel point je suis chanceuse d’être ici, que j’apprécie le soleil de la Thaïlande comme jamais.
Je suis consciente que c’est moi qui ai créé cette chance et je suis fière de moi.
Je crois que la retraite Vipassana nous apprend à mieux apprécier ce que l’on a et a en être plus conscient.

À refaire absolument !